Sommaire
Rappel des principes juridiques
Le preneur peut sauf exceptions résilier le bail tous les trois ans (résiliation triennale)
Le bail commercial est conclu pour une durée minimum de 9 ans (Article L. 145-4 alinéa 1 du code de commerce).
Cette durée présente de nombreux avantages pour le preneur, qui pourra :
- étaler les investissements consentis pour la prise à bail du local (déménagement du fonds de commerce, travaux d’aménagements, paiement d’un droit d’entrée, etc.) sur une durée relativement conséquente ;
- sédentariser son fonds de commerce dans le local et ainsi gagner en visibilité vis-à-vis de la clientèle ;
- concentrer toute son énergie et sa trésorerie sur le développement pérenne de son activité ;
- etc.
Il se peut néanmoins qu’en cours de bail, le preneur souhaite quitter son local de manière prématurée.
Ce sera notamment le cas si du fait de difficultés économiques, il ne parvient plus à satisfaire à ses obligations financières, telles le paiement des loyers et des charges.
Il pourrait également être amené à vouloir relocaliser son activité en transférant son fonds de commerce dans un autre local afin, par exemple, de lui conférer une meilleure exposition.
Conscient de la nécessité pour le preneur de pouvoir s’adapter à ce type d’aléas, le législateur a élaboré un mécanisme autorisant le preneur à résilier le bail commercial de manière anticipée (et discrétionnaire).
L’article L. 145-4, alinéa 2 du Code de commerce, dispose ainsi que :
(…) le preneur a la faculté de donner congé à l’expiration d’une période triennale, au moins six mois à l’avance, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par acte extrajudiciaire
Article L. 145-4 alinéa 2 du Code de commerce
Concrètement, un bail commercial conclu pour une durée de 9 ans à compter du 14 juin 2015 arrivera à échéance le 13 juin 2024. Le preneur pourra résilier ce bail de manière anticipée :
- le 13 juin 2018 (fin de la première échéance triennale) ;
- le 13 juin 2021 (fin de la première échéance triennale) ; ou
- le 13 juin 2024 (fin de la troisième échéance triennale et échéance finale du bail).
Cette faculté de résiliation triennale est – sauf exceptions limitativement énumérées à l’article L. 145-4 du Code de commerce – d’ordre public, ce qui signifie que les parties ne peuvent y déroger dans le contrat. Toute clause contraire serait réputée non écrite (L. 145-15 du Code de commerce).
La résiliation triennale est soumise à un formalisme légal strict
La résiliation triennale du bail est soumise à un strict formalisme légal décrit à l’article L. 145-4 du Code de commerce :
« (…) le preneur a la faculté de donner congé à l’expiration d’une période triennale, au moins six mois à l’avance, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par acte extrajudiciaire (…) »
Article L. 145-4 du Code de commerce
Le preneur doit tout d’abord manifester la volonté expresse et non équivoque de mettre fin au bail commercial par l’envoi d’un congé au bailleur ou à son mandataire.
Ensuite, l’article impose que le congé soit délivré par courrier recommandé ou par acte d’huissier (= acte extrajudiciaire). Une lettre simple est insuffisante.
Enfin, le congé doit être délivré au moins 6 mois à l’avance, sauf accord des parties pour un préavis plus long.
Dans l’exemple précédent, afin de résilier le bail commercial au 13 juin 2021, le preneur doit notifier son congé au plus tard le 14 décembre 2020.
Le preneur doit être extrêmement vigilant quant au respect de ce formalisme, celui-ci étant impératif :
- la délivrance d’un congé verbal ou la délivrance d’un congé par lettre simple est sans effet ;
- le congé délivré tardivement (non-respect du délai de prévenance de 6 mois) ne prendra effet qu’à l’expiration de la période triennale suivante.
La Cour de cassation veille de manière rigoureuse au respect de ces exigences.
Elle en a fourni une nouvelle illustration dans un arrêt récent du 10 septembre 2020.
Le preneur ayant délivré un congé tardif doit continuer de payer le loyer malgré son départ effectif des lieux
Les faits étaient succinctement les suivants.
Un crédit preneur consent à un laboratoire d’analyses médicales un contrat de sous-location portant sur un local commercial. Il lui consent en outre, sur ce même local, une option en vue de la conclusion d’un bail commercial devant prendre effet à compter du 01.06.2014.
Le laboratoire décide de lever cette option par courrier du 23.07.2014. Les parties ne régularisent néanmoins aucun contrat par écrit.
Le laboratoire décide finalement de quitter le local de manière anticipée dès le 21.05.2015 sans délivrer de congé.
Le bailleur assigne le laboratoire d’analyses médicales en paiement des loyers échus entre le 01.06.2014 et le 31.05.2017, à savoir, la date d’expiration de la première échéance triennale du bail commercial.
Par un arrêt du 29 janvier 2019, la Cour d’appel de Versailles déboute le bailleur de sa demande en paiement au motif qu’il était parvenu à relouer le local immédiatement après le départ du laboratoire d’analyses médicales et qu’il n’avait dès lors subi aucun préjudice de pertes de loyers.
La Cour de cassation censure néanmoins le raisonnement de la Cour d’appel.
Après avoir rappelé qu’aux termes de l’article L. 145-4 du Code de commerce, le preneur disposait de la faculté de résilier le bail commercial à chacune des échéances triennales, la Cour de cassation juge que le non-respect par le preneur du formalisme légal encadrant la délivrance du congé autorise le bailleur à réclamer le paiement des loyers au preneur ayant quitter le local jusqu’à l’expiration de la période triennale en cours, et ce, même en cas de relocation immédiate du local par le bailleur à un nouveau preneur :
» Vu l’article L. 145-4 du code de commerce :
Il résulte de ce texte que la durée du contrat de location ne peut être inférieure à neuf ans, mais que le preneur a la faculté de donner congé à l’expiration d’une période triennale, dans les formes et délai de l’article L. 145-9 du même code.
(…) En l’absence de délivrance d’un congé régulier donné par la locataire, six mois à l’avance, la conclusion du nouveau bail, conclu entre les parties le 23 juillet 2014 avec effet au 1er juin 2014 et portant sur les locaux délaissés, était sans effet sur le droit du bailleur à obtenir paiement des loyers dus au titre du premier bail, la cour d’appel a violé le texte susvisé »
Lien vers l’arrêt : Civ. 3ème, 10 sept. 2020, n°19-16.184
La Cour de cassation confirme ainsi la rigueur du formalisme inhérent à la résiliation triennale du bail par le preneur, dans la mesure où elle condamne le preneur au paiement des loyers à échoir jusqu’à l’expiration de la première période triennale du bail, et ce, alors même que le bailleur était parvenu à relouer son local et qu’il a perçu sur cette période des loyers.
Pour aller plus loin
Exceptions légales au principe de résiliation triennale
La faculté de résiliation triennale ouverte au preneur n’est susceptible d’être écartée que dans un nombre limité d’hypothèses, visées à l’article L. 145-4 du Code de commerce, à savoir :
- pour les baux d’une durée supérieure à neuf ans ;
- pour les baux des locaux construits en vue d’une seule utilisation (ex : cinéma) ;
- pour les baux des locaux à usage exclusif de bureaux ;
- pour les locaux de stockage mentionnés au 3° du III de l’article 231 ter du code général des impôts.
Résiliation triennale à l’initiative du bailleur
Le bailleur peut également résilier le bail à chaque échéance triennale, dans des circonstances légalement définies et visées à l’article L. 145-4 alinéa 3 du Code de commerce, à savoir, afin de :
- construire, de reconstruire ou de surélever l’immeuble existant ;
- de réaffecter le local d’habitation accessoire à cet usage ;
- transformer à usage principal d’habitation un immeuble existant par reconstruction, rénovation ou réhabilitation ; ou
- d’exécuter des travaux prescrits ou autorisés dans le cadre d’une opération de restauration immobilière et en cas de démolition de l’immeuble dans le cadre d’un projet de renouvellement urbain.