A qui incombe la réparation de la climatisation dans un bail commercial ? – Par un arrêt du 28 septembre 2022 (n°21-20.879), la 3ème chambre civile de la Cour de cassation rappelle que l’entretien et les travaux de réparation d’une unité de climatisation peuvent contractuellement être mis à la charge du preneur. Le preneur engage sa responsabilité à défaut d’un entretien efficace et diligent.
Sommaire
Rappels juridiques
Le bailleur a pour principale obligation de délivrer au preneur un local et des éléments d’équipements susceptibles de lui permettre d’exercer l’activité convenue au titre du bail commercial. Il est par ailleurs débiteur d’une obligation d’entretien pendant la durée du contrat :
Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière : 1° De délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent. (...) 2° D'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ;
Le bailleur doit en outre remettre le local en bon état de réparation et doit réaliser en cours de bail les réparations autres que locatives :
Le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce. Il doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives.
Les réparations locatives sont définies au sein de l’article 1754 du Code civil. Il s’agit de toutes les réparations mineures qui résultent de l’occupation normale des lieux (ex : réparation d’un vitrage).
A noter toutefois que les réparations occasionnées par la vétusté ou résultant d’un cas de force majeure resteront à la charge du bailleur.
Aucune des réparations réputées locatives n'est à la charge des locataires quand elles ne sont occasionnées que par vétusté ou force majeure .
Hormis pour ce qui concerne l’obligation de délivrance visée à l’article 1719, §1° susvisé, ces critères de répartition fixés par le Code civil ne sont cependant pas d’ordre public. Les parties peuvent donc convenir d’une répartition différente dans leur contrat de bail commercial.
A titre d’exemples, elles peuvent ainsi décider que :
- par dérogation à l’article 1720 du Code civil, le preneur prendra le local dans l’état dans lequel il se trouve, sans ne pouvoir exiger une quelconque remise en état au profit du bailleur.
- par dérogation à l’article 1755 du Code civil, les réparations locatives, mêmes résultant d’un cas de force majeure ou de la vétusté du local, seront mises à la charge du preneur.
Depuis l’entrée en vigueur de la loi Pinel et de son décret d’application n°2014-1314 du 3 novembre 2014, le contrat de bail commercial ne peut cependant plus faire peser sur le preneur les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l’article 606 du Code civil, et ce, même si elles sont occasionnées par la vétusté ou la force majeure (voir Article L. 145-35 du Code de commerce).
Les clauses dérogatoires du droit commun, si elles sont acceptées en jurisprudence, font néanmoins l’objet d’une interprétation stricte de la part des Tribunaux. Pour être applicables, ces clauses doivent être rédigées de manière claire et non équivoque.
Leur interprétation donne lieu à un riche contentieux.
L‘arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 28 septembre 2022 au sujet de la réparation d’une climatisation en est une nouvelle illustration.
Civ. 3ème, 28 sept. 2022, n°21-20.879 : La réparation et l'entretien de la climatisation peuvent être mis à la charge du preneur
Par contrat de bail commercial en date du 01.06.2006, une société bailleresse avait donné en location à une société preneuse un local à usage commercial. Ce local comprenait un équipement de climatisation (dont il est supposé à la lecture de l’arrêt qu’il était défectueux lors de la conclusion du bail).
Par deux clauses du bail, le preneur s’était engagée :
- d’une part, à effectuer à ses frais exclusifs toutes les réparations, remises en état et mises en conformité, résultant ou non de la vétusté ; et
- d’autre part, à rendre en fin de bail l’installation de climatisation en parfait état de fonctionnement.
Le preneur ayant donné congé du bail pour le 31 mai 2016, les parties ont dressé un état des lieux de sortie révélant un dysfonctionnement de la climatisation.
Le bailleur a donc assigné le preneur en paiement des frais de réparation de la climatisation. Reconventionnellement, le preneur a tenté de se prévaloir de ce dysfonctionnement pour solliciter une indemnisation au titre de son préjudice de jouissance.
Par un arrêt en du 4 mars 2021, la Cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE a fait droit à l’argumentaire du preneur, condamnant le bailleur au paiement d’une certaine somme à titre de dommages et intérêts en contrepartie du préjudice de jouissance subi.
La Cour d’appel développait notamment que la climatisation était défectueuse dès le début du bail et que, dans ces circonstances, le bailleur avait manqué à son obligation de délivrance.
Le bailleur se pourvut en cassation à l’encontre de l’arrêt d’appel, qu’il contesta au motif que la Cour s’était livrée à une mauvaise interprétation des clauses du bail, lesquelles dérogeaient expressément aux articles 1719 et 1720 du Code civil.
La Cour de cassation se rangea finalement aux arguments du bailleur.
Constatant que, aux termes de l’article 5.5 du bail, « le locataire » s’était engagé à « (entretenir) régulièrement l’installation de climatisation afin de la restituer en parfait état de marche« , la Haute Juridiction considéra que les parties avaient expressément entendu déroger aux critères de répartition du Code civil et condamna donc le preneur à dédommager le bailleur des frais de remise en état de la climatisation.
La Cour de cassation confirme ainsi que l’entretien et la réparation d’une climatisation peuvent être mis à la charge du preneur dans un bail commercial.
Réponse de la Cour Vu les articles 1719, 1°, et 1720 du code civil : 6. Selon le premier de ces textes, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée. 7. Aux termes du second, le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce. Il doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives. 8. Pour rejeter la demande de la société Sahel en paiement des frais de réparation de la climatisation et fixer à une certaine somme le préjudice de jouissance de la société ADM résultant du non-fonctionnement de cette installation, l'arrêt retient que la société Sahel ne peut s'abriter derrière les clauses du bail mettant à la charge du preneur toutes les réparations, remises en état et mises en conformité, ainsi que l'entretien de la climatisation. 9. En statuant ainsi, alors que le bailleur peut mettre à la charge du preneur, par une clause expresse du bail, l'obligation de prendre en charge des travaux autres que ceux rendus nécessaires par les vices affectant la structure de l'immeuble et que l'article 5.5 du bail stipulait que le locataire entretiendrait régulièrement l'installation de climatisation afin de la restituer en parfait état de marche, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Civ. 3ème, 28 sept.2022, n° 21-20.879
Roméo Mognon
Avocat