Renouvellement du bail commercial
Partie 1 - Conditions et mise en œuvre
Roméo Mognon
Avocat au Barreau de Strasbourg
Renouvellement du bail commercial – Partie 1 : conditions et mise en œuvre. Comme indiqué au sein de l’article introductif de ce dossier thématique, le droit au renouvellement est d’ordre public.
Il ne s’agit cependant pas d’un droit automatique. Celui-ci reste en effet soumis à un certain nombre de conditions, avec, notamment, un formalisme particulièrement strict.
Les conditions et modalités de mise en œuvre du droit au renouvellement sont exposées ci-eaprès.
Sommaire
Le renouvellement du bail commercial : un droit d'ordre public
Le droit au renouvellement est la pierre angulaire du statut du bail commercial. C’est donc naturellement que le législateur l’a érigé en principe fondamental d’ordre public.
Dès lors, toute clause stipulée au sein du bail et dont l’objet serait de faire échec, de manière directe ou indirecte, à cette prérogative du preneur doit être réputée non écrite.
Ce principe découle de l’article L. 145-15 du Code de commerce :
Sont nuls et de nul effet, quelle qu'en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui ont pour effet de faire échec au droit de renouvellement institué par le présent chapitre.
Seront ainsi réputées non écrites (et dénuées de tout effet juridique) les clauses du bail qui :
- prévoient une renonciation pure et simple du droit au renouvellement par le preneur ;
ou - tendent à exclure le droit au renouvellement de manière indirecte (ex : clause portant renonciation par le preneur au bénéfice de l’indemnité d’éviction).
Conditions du droit au renouvellement
Le renouvellement du bail commercial est soumis à plusieurs conditions cumulatives :
- le contrat initial dont il est sollicité le renouvellement doit être un contrat de bail portant sur un immeuble ou un local ;
- le preneur doit exploiter dans le local un fonds de commerce ;
- le preneur, propriétaire du fonds de commerce, doit être immatriculé auprès du registre du commerce et des sociétés ou du registre national des entreprises ;
- le fonds de commerce doit avoir été exploité de manière effective pendant les trois années précédant la date d’expiration du bail ou la date de sa tacite prolongation, sauf motifs légitimes (article L. 145-8 du Code de commerce) ;
- le renouvellement ne peut profiter qu’au seul propriétaire du fonds de commerce exploité dans le local. Prudence donc : lorsque le fonds de commerce est donné en location-gérance, le locataire-gérant ne bénéficie pas en principe de la possibilité de demander le renouvellement. Des règles spécifiques s’appliquent en matière de sous-location.
A défaut, le preneur ne pourra pas bénéficier du droit au renouvellement.
Mise en œuvre du droit au renouvellement
Le renouvellement est à l'initiative des parties
Le renouvellement du bail commercial n’est pas automatique mais doit être initié par les parties elles-mêmes.
Cette spécificité découle du fait que le bail, arrivé à son échéance, ne prend pas fin automatiquement mais, en l’absence de manifestation de volonté des parties, se poursuit de manière tacite.
Les parties doivent donc prendre l’initiative du renouvellement.
Le renouvellement peut, soit être proposé par le bailleur, par la délivrance d’un congé avec offre de renouvellement, soit demandé par le preneur.
Par dérogation aux articles 1736 et 1737 du code civil, les baux de locaux soumis au présent chapitre ne cessent que par l'effet d'un congé donné six mois à l'avance ou d'une demande de renouvellement. A défaut de congé ou de demande de renouvellement, le bail fait par écrit se prolonge tacitement au-delà du terme fixé par le contrat. Au cours de la tacite prolongation, le congé doit être donné au moins six mois à l'avance et pour le dernier jour du trimestre civil.
Renouvellement du bail commercial à l'initiative du bailleur
Proposition du bailleur
Le bailleur qui souhaite proposer au preneur de renouveler le bail commercial doit lui délivrer un congé avec offre de renouvellement au plus tard 6 mois avant la date d’expiration du bail.
Le congé doit être donné par acte d’huissier, sous peine de nullité (article L. 145-9 du Code de commerce). Il doit indiquer qu’il est délivré aux fins de renouvellement du bail en cours. A noter que si le bailleur souhaite obtenir une modification du prix du bail, il lui sera préférable de mentionner les nouvelles conditions financières au sein du congé. A défaut, le nouveau prix ne sera dû qu’à compter du jour où il en aura fait la demande au preneur (article L. 145-11 du Code de commerce).
Nota : le texte précise en outre que, à peine de nullité, le congé doit en outre préciser les motifs pour lesquels il est donné et indiquer que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction, doit saisir le tribunal avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné.
Le congé peut être délivré par le bailleur lui-même, ou son mandataire ou un représentant, si celui-ci justifie d’un pouvoir spécial. Il doit en tout état de cause être signifié au locataire, à savoir le propriétaire du fonds de commerce exploité dans les lieux.
Ainsi qu’indiqué ci-avant, le congé doit être signifié plus de 6 mois avant la fin du bail. Si la signification du congé intervient dans le délai de 6 mois qui précède la fin du bail, le renouvellement prendra effet au cours de la période de tacite prolongation.
Par dérogation aux articles 1736 et 1737 du code civil, les baux de locaux soumis au présent chapitre ne cessent que par l'effet d'un congé donné six mois à l'avance ou d'une demande de renouvellement. (...) Le congé doit être donné par acte extrajudiciaire. Il doit, à peine de nullité, préciser les motifs pour lesquels il est donné et indiquer que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d'une indemnité d'éviction, doit saisir le tribunal avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné.
Réponse du preneur
Le preneur peut accepter le renouvellement aux conditions offertes par le bailleur. La loi n’impose aucun formalisme quant à l’acceptation du congé. Elle peut ainsi être tacite, si le preneur, qui s’est vu délivrer un congé, est resté dans les lieux et payé le loyer proposé par le bailleur.
Si ces conditions ne le satisfont pas, il peut également accepter le principe du renouvellement mais contester le montant du loyer proposé. Dans ce cas, le preneur devra saisir le Juge des loyers d’une demande en fixation du loyer dans un délai de deux ans (Article L. 145-60 du Code de commerce).
Renouvellement du bail commercial à l'initiative du preneur
Demande du preneur
Le preneur qui souhaite bénéficier du renouvellement devra en faire la demander expresse au bailleur dans les 6 mois qui précèdent la fin du bail, ou n’importe quand lors de sa tacite prolongation. La demande de renouvellement par le preneur plus de 6 mois avant la fin du bail est irrégulière.
A noter que le bailleur ne peut demander le renouvellement qu’à défaut de congé préalable du bailleur.
La demande de renouvellement devra émaner du locataire, propriétaire du fonds, ce qui exclut ainsi le locataire-gérant (des conditions spécifiques s’appliquent en cas de sous-location).
Elle doit être adressée par courrier recommandé avec accusé de réception ou par acte d’huissier.
A défaut de congé, le locataire qui veut obtenir le renouvellement de son bail doit en faire la demande soit dans les six mois qui précèdent l'expiration du bail, soit, le cas échéant, à tout moment au cours de sa prolongation. La demande en renouvellement doit être notifiée au bailleur par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception . Sauf stipulations ou notifications contraires de la part de celui-ci, elle peut, aussi bien qu'à lui-même, lui être valablement adressée en la personne du gérant, lequel est réputé avoir qualité pour la recevoir. S'il y a plusieurs propriétaires, la demande adressée à l'un d'eux vaut, sauf stipulations ou notifications contraires, à l'égard de tous.
La demande de renouvellement peut comporter une proposition de loyer.
Sous peine de nullité, elle doit en tout état de cause reproduire l’alinéa ci-dessous, visant à informer le bailleur qu’il dispose d’un délai de trois mois pour répondre :
Dans les trois mois de la notification de la demande en renouvellement, le bailleur doit, par acte extrajudiciaire, faire connaître au demandeur s'il refuse le renouvellement en précisant les motifs de ce refus. A défaut d'avoir fait connaître ses intentions dans ce délai, le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent.
Réponse du bailleur
Tel qu’indiqué ci-dessus, le bailleur dispose d’un délai de trois mois à compter de la demande de renouvellement pour s’y opposer.
Son refus doit être notifié par acte d’huissier et préciser :
- les motifs de son refus ;
- le preneur dispose d’un délai de deux ans pour, soit contester le refus, soit demander une indemnité d’éviction.
L'acte extrajudiciaire notifiant le refus de renouvellement doit, à peine de nullité, indiquer que le locataire qui entend, soit contester le refus de renouvellement, soit demander le paiement d'une indemnité d'éviction, doit saisir le tribunal avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la date à laquelle est signifié le refus de renouvellement.
A défaut de réponse du bailleur dans le délai de trois mois susvisé suite à la demande de renouvellement du preneur, le bailleur est réputé avoir accepter le renouvellement. Cette présomption d’acceptation ne porte cependant pas sur le montant du loyer.
Bien évidemment, le bailleur peut également acquiescer expressément au renouvellement. Cette acceptation peut être cantonnée au seul principe du renouvellement, ou porter également sur le montant du loyer.
A noter que l’acceptation du bailleur n’est pas définitive.
Même après avoir consenti au renouvellement, il peut, soit exercer son droit d’option (article L. 145-57, alinéa 2 du Code de commerce), soit refuser le renouvellement pour motif grave et légitime. Ces facultés de rétractation feront l’objet d’une étude séparée.