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VEFA et retard de livraison : interprétation stricte des causes légitimes de retard

VEFA et retard de livraison : interprétation stricte des causes légitimes de retard. Le retard de livraison d’un appartement imputable à la défaillance d’une entreprise de travaux ne constitue pas nécessairement une cause légitime de retard admissible au regard du contrat de vente en l’état futur d’achèvement.

Sommaire

Obligation pour le promoteur de respecter le délai de livraison

La VEFA est le contrat par lequel le vendeur (ou promoteur) transfère immédiatement à l’acquéreur ses droits sur le sol ainsi que la propriété des constructions existantes. Les ouvrages à venir deviennent la propriété de l’acquéreur au fur et à mesure de leur exécution (Article 1601-3 du Code civil).

Le promoteur qui vend en l’état futur d’achèvement un bien immobilier a pour obligation principale de s’engager à respecter un délai de livraison à l’expiration duquel il remettra les clefs aux acquéreurs. Le retard de livraison est ainsi susceptible d’être sanctionné.

Cette obligation découle notamment de l’article 1601-1 du Code civil, reproduit ci-après : 

La vente d'immeubles à construire est celle par laquelle le vendeur s'oblige à édifier un immeuble dans un délai déterminé par le contrat.

Lorsque le contrat de VEFA porte en outre sur la construction d’un immeuble à usage d’habitation, et que l’acquéreur s’engage à effectuer des versements avant l’achèvement de la construction, la mention du délai de livraison doit par ailleurs figurer expressément dans le contrat de VEFA sous peine de nullité (Article L. 261-11 du Code de la construction et de l’habitation). 

Tout retard de livraison de la part du vendeur peut donner lieu à diverses sanctions et notamment : 

  • la résolution de la VEFA ;
  • l’allocation de dommages et intérêts (indemnisation des loyers payés par les acquéreurs au titre de leur bail d’habitation entre la date contractuelle de livraison et la date de livraison effective, indemnisation de la perte d’un avantage fiscal, indemnisation des loyers espérés par la mise en location du bien à construire, indemnisation du préjudice moral, etc.).

Report possible de la date de livraison en cas de cause légitime de retard

Afin de bénéficier de plus de flexibilité et ainsi d’éviter les retards de livraison, les promoteurs incluent quasiment systématiquement au sein du contrat de VEFA  des clauses instituant des causes légitimes de retard.

Ces clauses ont pour objet de permettre une prorogation du délai de livraison dans l’hypothèse où l’élément défini à la clause survient en cours de chantier.

Ce type de clause instaure par ailleurs généralement un mécanisme de doublement du nombre de jours de retard autorisé par rapport au retard effectivement enregistré en cours de travaux, afin de permettre une réorganisation du chantier.

La Cour de cassation valide la licéité de ces clauses, sous réserve que le retard ne soit pas imputable au vendeur et que le vendeur en justifie de manière objective :  

La clause d'un contrat de vente en l'état futur d'achèvement conclu entre un professionnel et un non-professionnel ou consommateur qui stipule qu'en cas de cause légitime de suspension du délai de livraison du bien vendu, justifiée par le vendeur à l'acquéreur par une lettre du maître d'œuvre, la livraison du bien vendu sera retardée d'un temps égal au double de celui effectivement enregistré en raison de leur répercussion sur l'organisation générale du chantier n'a ni pour objet, ni pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et, partant, n'est pas abusive.

La rédaction des clauses de retard doit cependant être claire et non ambigüe, faute de quoi le promoteur s’expose à ce qu’elles soient écartées par les Tribunaux. 

La Cour de cassation est venue rappeler ce principe dans un arrêt récent du 2 mai 2024 (Civ. 3ème, 2 mai 2024, n° 22-20.477)

Inapplicabilité des causes légitimes de retard de livraison en cas d'imprécision du contrat de VEFA (Civ. 3ème, 2 mai 2024, n° 22-20.477)

Contexte

Les faits de l’espèce étaient les suivants : un promoteur a vendu en l’état futur d’achèvement un bien immobilier devant être livré au plus tard le 31 mars 2016. 

Ce délai n’ayant pas été respecté, les acquéreurs ont assigné le promoteur devant le Tribunal compétent en paiement de dommages et intérêts au titre du retard de livraison.

Le promoteur s’est opposé à cette demande en application d’une clause du contrat prévoyant une suspension du délai de livraison en cas de force majeure ou de cause légitime de retard. 

Constituait notamment une cause légitime de retard : le « retard provenant de la défaillance d’une entreprise (la justification de la défaillance pouvant être fournie par le vendeur à l’acquéreur, au moyen de la production du double de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée par le maître d’œuvre du chantier à l’entrepreneur défaillant« .

Or, précisément, le vendeur exposait que le non-respect du délai de livraison était imputable au retard de certaines entreprises dans l’exécution du chantier et que, malgré divers courriers de mise en demeure émanant du maître d’œuvre et l’application de pénalités de retard à ces entreprises, les délais contractuels n’avaient pas pu être respectés.

Le retard de livraison provenait donc pour le vendeur de la défaillance objective des entreprises de construction.

Position de la Cour de cassation

Telle ne fut pas la position de la Cour d’appel et de la Cour de cassation.

Dans son arrêt du 2 mai 2024, la Cour de cassation considère que, à défaut de précision suffisante des stipulations du contrat de vente, le simple retard d’une entreprise ne constitue pas une défaillance caractérisant une cause légitime de retard :

Réponse de la Cour

4. La cour d'appel a retenu, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, rendue nécessaire par l'ambiguïté des clauses de l'acte de vente relatives aux causes légitimes de suspension des délais de livraison, que le retard provenant de la défaillance de l'entreprise devait s'entendre d'une véritable défaillance de celle-ci, le simple retard, fût-il prolongé, ne pouvant être assimilé à une défaillance que si celui-ci avait entraîné la nécessité pour le vendeur, après mise en demeure adressée à l'entreprise de terminer les travaux, de résilier le marché.

5. Ayant constaté que tel n'avait été le cas ni pour la société ECBR ni pour la société ICS et que le décompte général définitif validant l'application d'éventuelles pénalités de retard à leur encontre n'était pas produit, elle a pu en déduire que le retard imputé à ces deux entreprises par la société Le Renaissance promotion ne constituait pas une cause légitime de suspension du délai de livraison au sens du contrat conclu avec les acquéreurs et faire droit, par conséquent, à leur demande de réparation au titre du retard de livraison à hauteur de la somme retenue.

La Cour a donc écarté l’argumentaire du vendeur et fait droit à la demande des acquéreurs en réparation  de leur préjudice au titre du retard de livraison dans le cadre de la VEFA.

Une décision spécifique aux circonstances de l'espèce

Il convient de préciser que cet arrêt de la Cour de cassation constitue un arrêt d’espèce rendu au regard des circonstances concrètes de ce litige et notamment du manque de précision des clauses de l’acte de vente en l’état futur d’achèvement.

Il demeure que les clauses prévoyant des causes de retard légitime en cas de défaillance d’un constructeur sont courantes dans les contrats de vente en l’état futur d’achèvement.

Vendeurs et acquéreurs  : soyez vigilants à la précision des stipulations de votre contrat de VEFA.

Roméo Mognon
Avocat

Cet article a 2 commentaires

  1. Michel Leckert

    Très instructif !!

  2. Bernard Pigot

    Très intéressant ! Merci

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